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Date : 26-11-2024 14:04:16
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Notes
[1]
Christophe Prochasson et Anne Rasmussen, Au nom de la patrie. Les intellectuels et la Première Guerre mondiale, Paris, La Découverte, 1996, p. 72 à 78, cit. p. 76.
[2]
Voir Christian Phéline (éd.), Matisse – Sembat. Correspondance : une amitié artistique et politique, 1904-1922, Lausanne, Bibliothèque des Arts, 2004 ; voir aussi Laurence Barbier (éd.), La collection Agutte-Sembat, Genoble, Musée de Grenoble, 2003.
[3]
Cf. Marcel Sembat, Matisse et son œuvre, Gallimard 1920 ; id., L’Œuvre du potier André Méthey 1871-1920, Paris, Musée Galiéra, 1921 ; Maurice Braud, « Le mouvement ouvrier et socialiste et les arts. Le cas de Marcel Sembat 1862-1922 », mémoire de DEA, Paris, EHESS, 1986.
[4]
Voir la notice « Sembat » dans Jean Jolly, Dictionnaire des parlementaires français, Paris, Presses Universitaires de France, t. 8, 1977, p. 2290-2292 ; voir aussi l’article « Sembat » (par Justinien Raymond) dans Jean Maitron (éd.), Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier, t. XV (1977), p. 152-155. Une seule biographie existe à ce jour : Denis Lefebvre, Marcel Sembat : socialiste et franc-maçon, Paris, éditions Bruno Leprince, 1995. Une première mouture de cet article a paru dans Culture de la provocation. Réfllexions pluridisciplinaires, textes rassemblés par Didier Francfort, PU de Nancy, 2006, p. 25-34.
[5]
Maurice Dommanget, La Chevalerie du Travail français 1893-1911, Lausanne 1967 p. 255 voire pour une description toute pareille : « Marcel Sembat », dans Les Hommes du jour, dessin de A. Delannoy, texte de Flax, n° 16 [1907 ?].
[6]
Alexandre Zévès, « Marcel Sembatn », L’Œuvre, 18 septembre 1938 (rubrique : « l’histoire anecdotique »).
[7]
L’Humanité, 17 janvier 1912 ; cf. ibid., 6 mars 1912 quant à Poincaré : « C’est la figure d’un sphinx qui ne saurait pas le mot de l’énigme ».
[8]
Cf. Joseph Caillaux, Mes mémoires, 3 vol.
[9]
ibid. t. III, p. 198.
[10]
J. Julliard, M. Winock (éd.), Dictionnaire des intellectuels français, Paris, Seuil 1996 (2e éd. 2002) ; C. Prochasson et V. Duclert (éd.), Dictionnaire critique de la République, Paris, Flammarion, 2002.
[11]
Marcel Sembat, Les Cahiers noirs sont conservés aux archives de « l’office universitaire de recherche socialiste » (OURS) à Paris. Une partie en a été publiée dans les numéros 142, 145, 153, 157 et 163 du Cahier et Revue de l’OURS (CR-OURS). Une édition intégrale par Christian Phéline est annoncée chez Viviane Hamy pour la fin 2007.
[12]
Cahiers noirs, 16 déc. 1912, non publié.
[13]
CR-OURS 153, p. 31 (26 mars 1909).
[14]
CR-OURS 157, p. 30 (18 avril 1913).
[15]
Voir entre autres Fabienne Bock, Un parlementarisme de guerre, 1914-1919, Belin, 2002, p. 17s. ; voir ibid., la préface de J.-J. Becker, p.4.
[16]
Jean Jolly (éd.) Dictionnaire des Parlementaires français, s.v. Sembat, Marcel, notice signée « J.R. ».
[17]
Je l’ai analysé d’une façon plus détaillée : Gerd Krumeich, Armements and Politicis in France on the Eve the First World War London, Berg Publishers 1993.
[18]
Jean Jaurès, L’Armée nouvelle, présenté par Jean-Noël Jeanneney, Paris, Imprimerie nationale, 1992.
[19]
Cf : Marcel Sembat, La Victoire en déroute aris, Les Éditions du Progrès civique, 1925.
[20]
Voir pour ce problème aussi mon article : « Les socialistes allemands et la conception jaurésienne de la défense nationale », dans Actes du colloque Jaurès et la défense nationale, Paris 1994, p. 116-124 (Société d’études jaurésiennes, Cahier Jaurès n° 3).
[21]
Voir Milorad Drachkovitch, Les Socialismes français et allemand et le problème de la guerre, Genève 1953.
[22]
Voir en général le livre classique de Jean Jacques Becker, 1914 : comment les Français sont entrés dans la guerre, aris, FNSP, 1977.
[23]
Cahiers noirs, 22 septembre 1913, publiés dans Cahier et Revue de l’OURS, 157, 1985, p. 34.
[24]
L’Action française, 10 juillet 1913.
[25]
Charles Maurras, Kiel et Tanger, édition evue, 1913, préface. Raoul Girardet, Le Nationalisme français (1966), p. 207, cite ce passage.
[26]
Général Palat (i.e. Pierre Lehautcourt), L’alliance franco-allemande ou la Guerre. Réponse à M. Sembat aris Librairie Chapelot 1914 ; Henri de Monpezat, Le roi de France plutôt que le roi de Prusse. Réponse à MM. Marcel Sembat et Charles Maurras paris Eugène Figuière, 1914; Émile Wickersheimer, La République veut la paix, mais ne craint pas la guerre Paris, Eugène Figuière, 1914.
[27]
Voir A. Zinoviev, Der Krieg und die Krise des Sozialismus Vienne 1924, qui consacre une trentaine de pages à ce livre (p. 455 à 471), preuve selon lui de l’opportunisme des leaders de la SFIO qui, ne croyant plus dans les vertus du prolétariat, se réfugient vers le cynisme – avant de succomber à l’« Union Sacrée ».
[28]
Pour la période de guerre, pas suffisamment étudiée, voir le travail de Denis Lefebvre, Marcel Sembat, socialiste et franc-maçon.
[29]
Cahiers noirs, 8 octobre 1916, voir aussi le travail précité de Denis Lefebvre.
[30]
Voir : Abel Ferry, Les Carnets secrets Paris, Grasset 1957, p. 109 ss.
[31]
Voir Sophie Coeuré, La Grande Lueur à l’Est. Les Français et l’Union soviétique, Seuil 1999.
[32]
Voir le discours en entier dans Jean Charles et al., Le Congrès de Tours, Éditions sociales 1980, p. 347 à 361, cit : p. 358.
[33]
L’Humanitée, 6 septembre 1922.
[34]
Cité d’après Denis Lefebvre, Marcel Sembat, p. 162.
[35]
Victor Méric, Coulisses et Tréteaux. À travers la jungle politique et littéraire, Paris, Librairie Valois, 1931, p. 143.
English version
Marcel Sembat a été, du début du xxe siècle à sa mort prématurée, survenue en 1922, un des socialistes parlementaires les plus en vue en France. Né en 1862 à Bonnières (Seine), où son père était directeur de la Poste, il exerça, après ses études, le métier d’avocat avant de se consacrer entièrement au socialisme et au journalisme. Il fut co-éditeur, entre 1890 et 1897, de La Petite République, journal des intellectuels évoluant vers le socialisme. Habitué des milieux littéraires d’avant-garde depuis le début des années 1880, il continua de s’y investir jusqu’en 1914. Ainsi il participa aux Cahiers d’aujourd’hui, lancés en octobre 1912 et qui bénéficièrent d’un rayonnement assez important, réunissant les amateurs de la « nébuleuse vitaliste », où « Colette voisinait avec Maeterlinck qui parlait de photographie, tandis que Marcel Sembat parlait de Matisse, Ravel de Debussy [...] [1]. » Le député socialiste Marcel Sembat avait en effet une grande particularité : il fut un grand amateur d’art. Marié avec une artiste notable, Georgette Agutte (1867-1922), ancienne élève de Gustave Moreau (aux côtés de Matisse et Rouault), il consacrait une bonne partie de ses activités sociales au monde des artistes de l’avantgarde. Il était l’ami de Gauguin, de Matisse, de Cézanne, d’autres encore, relations dont témoignent les échanges de lettres publiées récemment [2]. Il publia des livres et articles pour faire connaître et apprécier cette avantgarde [3].
Écrivain politique et grand amateur d’art, Sembat fut pourtant et en même temps, pendant presque trente années consécutives, député de la circonscription des « Grandes carrières », dans le 18e arrondissement de Paris et qui était à l’époque purement ouvrière. Son engagement socialiste le poussa d’abord vers le guesdisme. Il continua, toute sa vie, à se définir, dans ses convictions, comme un « révolutionnaire », et devint, après « l’unification », à la suite de la décision du Congrès d’Amsterdam de l’Internationale Ouvrière de 1904, un des leaders les plus en vue du nouveau PSU (SFIO). Sembat était admiré et redouté comme orateur parlementaire. Dans les années 1907-1908, tout Paris venait écouter ses joutes oratoires avec Clemenceau, restées fameuses, qui portaient sur la politique de répression menée par « le Tigre » lors des émeutes, grèves et mutineries, survenues dans le Midi. Ce fut là une confrontation de deux esprits et de deux « systèmes » antagonistes.
Sembat fut un cas unique – ou presque – de « socialiste intellectuel ». Il ne provenait nullement des couches ouvrières, ne se sentait nullement lié au socialisme par tradition, par appartenance ou par nécessité. Il adhéra au socialisme uniquement par conviction personnelle, de façon libre, reflétant son éclectisme prononcé. Il n’était pas « marxiste » par esprit systématique et resta fidèle aux idées de Blanqui, se disant volontiers « collectiviste ». Son éclectisme se manifestait dans le choix des auteurs dont il se réclamait : Herbert Spencer, d’abord, mais aussi Hippolyte Taine et Ernest Renan. Il fut ainsi positiviste et profondément laïque, lutteur infatigable pour la « Ligue des Droits de L’Homme ». Il resta également pendant sa vie entière un francmaçon convaincu et actif [4].
Son apparence physique, sa façon de se présenter en public, ses vêtements soigneusement choisis contribuaient à le différencier du type du représentant ouvrier de l’époque. Maurice Dommanget nous a laissé du personnage un portrait mettant bien en évidence le dandysme de Marcel Sembat :
« À tous ceux qui l’ont approché, Sembat a laissé une impression durable. D’abord au physique par son aspect extérieur si particulier : une barbe, des lorgnons, un plastron et une cravate blanche, des manchettes aux boutons d’argent et ce sourire, cette amabilité, l’œil malicieux, ces mains fines, ces gestes sobres accompagnant cette parole inimitable de causeur savoureux. S’il n’avait été que cela ! Le supérieur de Stanislas disait : "C’est le révolutionnaire le plus distingué que nous ayons formé" […]. Sa curiosité intellectuelle n’était jamais satisfaite, et il pétillait d’esprit, maniant la gouaille, le sarcasme et même la blague féroce avec cet amour du paradoxe qui le fit passer pour un sceptique et dilettante. Pourtant au fond, il était optimiste et d’une sincérité, d’un dévouement socialiste à toute épreuve [5]. »
Il est peut-être utile d’ajouter que ce « révolutionnaire charmant », à la cravate blanche, figurait parmi les très rares socialistes de l’époque qui se vouaient aux droits des femmes et n’évitaient pas le contact avec les groupements féministes. Comme parlementaire, il se consacrait sans réserve aux travaux journaliers les plus routiniers et n’évitait pas non plus les plus lourds dossiers techniques des commissions spécialisées. Il fut ainsi plusieurs fois rapporteur du budget du ministère des Postes. Alexandre Zévaès, grand socialiste « renégat », s’est souvenu, en 1938 de l’activisme de Sembat :
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