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Date : 17-12-2024 20:32:01
Et en cette fin d’année, Chido est encore venu aggraver la crise hydrique. Il n’y a notamment plus d’électricité pour faire fonctionner les usines de potabilisation d’eau. Face à ce constat plus qu’alarmant, le ministre de l’Intérieur démissionnaire, Bruno Retailleau a tenté de rassurer lors d’un point presse, lundi 16 décembre. Il a annoncé qu’un avion militaire, capable de transporter 20 tonnes de fret, acheminerait de l’eau et de la nourriture depuis la Réunion. Mais aussi que l’usine de dessalement située à Petite-Terre serait remise en route et qu’une distribution de bouteilles d’eau serait assurée.
Un problème structurel
« Quand on est en situation d’urgence, on a guère d’autres choix que de distribuer de l’eau avec des camions-citernes à la population. Mais à moyen terme, il va falloir investir pour réparer et remettre le réseau à niveau. Ce qui n’a pas été fait depuis 20, 30, voire 40 ans », plaide Emmanuel Soncourt, hydrogéologue, interrogé par Le HuffPost.
Pour autant, le chercheur ne veut pas tout mettre sur le dos des autorités. Comme il l’explique, la nature n’a pas gâté Mayotte de ressources en eau abondantes et la situation hydrique y est complexe. D’abord, les précipitations sur l’île sont très irrégulières : « On a traditionnellement une saison humide avec des très fortes pluies et une saison sèche où elles sont très réduites. » Ensuite, les cours d’eau sont peu nombreux, courts et « avec de petits bassins-versants donc une faible capacité de rétention d’eau ». Il n’y a pas non plus beaucoup de nappes d’eau souterraine sur le territoire.
Pour complexifier encore plus la situation, le territoire est soumis aux affres du changement climatique, avec des saisons sèches de plus en plus sèches. « Par exemple, entre mai et septembre 2024, note le spécialiste des eaux superficielles et souterraines, il n’y a quasiment pas eu une goutte de pluie. » Olivier Evrard, chercheur au laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement de l’Université Paris-Saclay résume : « Avec toutes ces problématiques, on a donc une ressource en eau utilisable insuffisante par rapport à la population qui augmente ainsi que ses besoins ». Mayotte a en effet connu une croissance démographique de 3,8 % en moyenne entre 2014 et 2020, et 30 % des Mahorais n’ont pas accès à l’eau potable chez eux.
De premières mesures insuffisantes
Mais justement, parce que l’eau est si rare sur l’archipel, elle est d’autant plus précieuse. Or, les solutions apportées jusqu’ici ne sont pas suffisantes pour répondre à la pénurie, estiment plusieurs scientifiques contactés pour cet article. Outre les opérations de captage et forage, la fameuse usine de dessalement d’eau de mer à Petite-Terre et deux retenues collinaires (des petits lacs qui stockent les eaux de pluie et de ruissellement) ont été construites. Mais ces équipements ont déjà montré leurs limites.
Concernant l’usine de dessalement, elle ne produit que 3 % de l’eau potable distribuée à Mayotte, selon le dernier schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux de l’archipel. Sans parler des conséquences environnementales d’un tel dispositif : « Avec le dessalement, on va rejeter du saumure (une boue ultra-saline contenant des produits toxiques, ndlr) dans le lagon de Mayotte, ce qui va perturber les écosystèmes côtiers ».
Reste qu’en dépit d’une lettre signée par huit associations mahoraises et les craintes des chercheurs quant aux conséquences environnementales, l’État mise sur la construction accélérée d’une deuxième usine de dessalement pour 2025.
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